06/01/2025
Si le mot « nation » est ancien, celui de « nationaliste » n’apparaît qu’au début du XVIIIème siècle, en Grande-Bretagne. Utilisé pour la première fois en France en 1798
# Que dit-il ?
Si le mot « nation » est ancien, celui de « nationaliste » n’apparaît qu’au début du XVIIIème siècle, en Grande-Bretagne. Utilisé pour la première fois en France en 1798 pour stigmatiser la politique des révolutionnaires jacobins, il prospèrera, avec le substantif « nationalisme », à partir du traumatisme de la débâcle face aux Prussiens et de la perte de l’Alsace-Lorraine. On parle souvent auparavant de « nationalitaires », notamment à partir de 1848 pour désigner les grands mouvements d’émergence des États-nations européens modernes : l’Italie, l’Allemagne, la Pologne et tant d’autres.
L’approche de Girardet est donc largement sémantique et généalogique, ce qui lui permet d’éviter de vains débats sur l’essence de la nation. Il montre ainsi l’affirmation de « deux systèmes contraire de doctrine », la « conception allemande », organiciste, et celle « française », volontariste.
Il innove davantage en construisant une typologie des nationalismes : celui d’inspiration démocratique et libéral, un autre autoritaire et conservateur, un troisième marxiste et enfin celui de type fasciste. Dans le cas français, il concentre son analyse sur l’opposition entre un « nationalisme des nationalistes », qu’il a beaucoup fréquenté et dont il critique l’enfermement et les dérives, et un nationalisme de la nation, si l’on peut dire, capable de dépasser les querelles partisanes et de rassembler autour de l’idée de souveraineté. Dans son texte, ces abstractions deviennent très concrètes, grâce à la mobilisation de sa vaste culture historique. On y trouvera des réflexions très actuelles sur les notions de civilisation ou d'empire, qui ne sont pas sans intérêt pour penser la construction européenne. Sans jamais céder à l’esprit polémique, il nous livre un cours d’histoire politique, au meilleur sens du terme.
# Qui l’écrit ?
Raoul Girardet (1917-2013) est un historien, professeur notamment à Sciences Po Paris, à Saint-Cyr et à l’ENA. Très engagé politiquement tout au long de son existence, il a notamment adhéré un temps au mouvement royaliste, a participé à la Résistance puis s’est impliqué en faveur de l’Algérie française. Son enseignement a marqué des générations d’étudiants, parmi lesquels Patrick Buisson ou Alain Lancelot.
# Pourquoi le lire ?
D’un format court, écrit dans une langue limpide, cet ouvrage constitue une synthèse idéale pour faire le point sur ce sujet vaste et controversé : qu’est-ce qu’une nation ? Il montre la diversité des représentations idéologiques à ce sujet, avec peut-être une marque un peu datée des débats liés à la décolonisation. Surtout, le tiers de l’ouvrage, soit une cinquantaine de pages, est consacré à des textes marquants sur l’idée de nation : Jules Michelet y voisine avec Maurice Barrès, Ernest Renan avec Charles de Gaulle, Charles Maurras avec Frantz Fanon, sans compter de nombreuses personnalités étrangères. On y trouvera le cœur du discours de chacun, et, dans leur contexte originel, de nombreuses citations.