Après chaque grande élection, le Cevipof publie un recueil d’analyse sur les logiques de la participation électorale, et donc de l’abstention, sur le déroulé de la campagne, sur les motivations des électeurs et sur ce qui caractérise les électorats d’un point de vue sociologique.
Après chaque grande élection, le Cevipof publie un recueil d’analyse sur les logiques de la participation électorale, et donc de l’abstention, sur le déroulé de la campagne, sur les motivations des électeurs et sur ce qui caractérise les électorats d’un point de vue sociologique. Le propos n’est jamais exempt de préjugés idéologiques – ici on trouvera de manière récurrente autant qu’inappropriée le qualificatif « extrême-droite » au sujet du RN – mais obéit à des règles dites scientifiques, ou plus simplement universitaires. Chaque article contient donc des données chiffrées, le plus souvent issues du panel électoral commandité par le Cevipof. On peut ainsi décrire quel résultat chaque candidat à la présidentielle ou bien chaque grand parti aux législatives a obtenu au sein des grandes catégories d’analyse présentes dans les sondages : le genre, l’âge, la catégorie socio-professionnelle, le niveau d’études, la localisation géographique, etc. De ce fait, une telle approche insiste sur les clivages, en cherchant à établir lequel est le plus déterminant du vote : est-ce le clivage gauche-droite, ou bien l’opposition entre France périphérique et France des métropoles, ou bien encore le diplôme, et pourquoi pas la classe sociale, à moins qu’il ne s’agisse d’un affrontement inconscient entre les optimistes et les pessimistes ? L’avantage de ce livre, Le Vote clivé, est qu’il envisage toutes ces hypothèses en les passant au crible de données objectives. Ceci encadre et rationnalise le débat.
Comme il est de règle pour ce type d’ouvrage, les contributeurs sont nombreux, ici 24 universitaires, sondeurs ou journalistes. Pour l’essentiel, ils sont issus du CEVIPOF, organisme de recherche dépendant de Sciences Po Paris. Leur regard n’est pas neutre mais il est bien informé. Surtout, un tel livre est avant tout lu par d’autres universitaires enclins très logiquement à la critique, les analyses que l’on y trouve sont étayées par des données chiffrées et référencées.
L’analyse électorale constitue un champ de bataille idéologique. Le simple fait d’identifier les structures d’un électorat est une arme politique. Ainsi, depuis 2017, les partisans d’Emmanuel Macron ont constamment tenté de nier ou de relativiser la dimension élitaire des votes en sa faveur, ou bien de prétendre contre toute évidence qu’il serait particulièrement populaire chez les jeunes. De la même manière, les sociologues engagés à gauche essaient de convaincre que les catégories populaires ne voteraient pas spécialement pour le Rassemblement National. Il s’agit là d’enjeux symboliques importants. En s’appropriant des données incontestables sur le vote et en maîtrisant les fondamentaux de l’explication électorale, le militant patriote enrichit sa propre analyse et se dote d’outils de persuasion.