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Georges SOREL, le mythe de la révolte
Fiche de lecture

Georges SOREL, le mythe de la révolte

Théorie et vie politique

 

Qui, parmi les étudiants en sciences sociales, n’a pas entendu le nom de George Sorel ? Presque personne. Qui l’a lu ? Pas davantage.

Que dit-il ?

Qui, parmi les étudiants en sciences sociales, n’a pas entendu le nom de George Sorel ? Presque personne. Qui l’a lu ? Pas davantage. Grand défenseur de l’efficacité politique du mythe, Sorel est lui-même un mythe de la théorie politique, auquel on prête une importance disproportionnée, généralement pour lui attribuer toutes sortes de tares idéologiques. On prétend ainsi que Lénine s’en serait inspiré, ce qui est radicalement faux, et que Mussolini, comme activiste, aussi, ce qui l’est moins. La biographie intellectuelle écrite par Arthur Pouliguen revient à l’essentiel, en un ouvrage court et bien écrit. Sorel (1847-1922 ) fut d’abord un ingénieur des Ponts et Chaussées fasciné par le développement du mouvement ouvrier, au point de renoncer à sa carrière et d’y consacrer tout son temps. Cette passion l’amène à accumuler les lectures, à la façon d’un autodidacte, ce qui donne ensuite des écrits touffus, déroutants et passablement difficiles à lire, où se mêlent des considérations empruntant à tous les domaines. Le premier point majeur de la pensée de Sorel est son attachement au syndicalisme comme levier révolutionnaire, là où d’autres valorisaient la forme partisane. Il croit dans le rôle pédagogique de la grève pour les ouvriers, au-delà des revendications particulières qui peuvent motiver les arrêts de travail. Par la grève, les ouvriers prendraient conscience de leur force collective, et en viendraient à envisager une grève générale, c’est-à-dire dans l’esprit de Sorel une révolution aussi bien sociale que politique. Il n’est pas loin de penser comme les anarchistes de son temps que la conquête du pouvoir compte moins que la décomposition du pouvoir de l’État, lequel doit laisser place à l’auto-organisation de la classe des producteurs. C’est pourquoi Sorel n’est pas spécialement de gauche, notion qui comme la droite renvoie originellement à la logique parlementaire. Son syndicalisme révolutionnaire le détourne de l’action partisane. Il croit en l’avènement du socialisme mais il en voit davantage la préfiguration dans la CGT, en plein développement alors, que dans un parti socialiste qui commence à se structurer à l’orée du XXème siècle. Pour aller vite, disons qu’il est marxiste, à sa façon, mais certainement pas léniniste. Comme il est révolutionnaire et non sagement réformiste, il cherche une voie qui ne soit pas celle du parti d’avant-garde, et c’est là où il innove, dans son livre le plus mémorable, Réflexions sur la violence, publié en 1906. Tout d’abord il valorise la violence comme émancipatrice en elle-même, ce qu’il appelle l’action directe. En y recourant les ouvriers se détacheraient aussi bien des institutions que des leaders politiques qui les manipuleraient. Ensuite Sorel développe la notion de mythe, dont l’exemple qu’il donne est celui de la grève générale. Il croit en la force motrice des images plutôt qu’en celle de la théorie. Le mythe serait donc un « ensemble lié d’images motrices » et c’est à cela que Sorel propose au mouvement ouvrier de s’attacher prioritairement. Il essaie donc de concilier une vision déterministe issue de ses lectures marxistes et un volontarisme politique résolument subjectif. Dans une œuvre très « Belle Époque », il s’agit de la partie la moins inactuelle.

Qui l’écrit ?

Arthur Pouliquen est un jeune docteur en sciences politiques, excellent connaisseur de l’histoire sociale.

Pourquoi le lire ?

D’une oeuvre foisonnante mais à peu près illisible Pouliquen offre une vision claire et distanciée, voire un peu ironique. En dégageant la figure de Georges Sorel des récupérations parfois sulfureuses dont il a fait l’objet, il nous permet de s’approprier ses grands thèmes, à commencer par la notion de mythe appliqué au changement social. On pourra ici faire le parallèle avec le livre de l’historien Raoul Girardet Mythes et mythologie politique. En outre, sa biographie commence par une vision du mouvement des Gilets jaunes comme un « moment sorélien », ce qui est original et suggestif.