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Le Rêve de l’assimilation -  De la Grèce antique à nos jours
Fiche de lecture

Le Rêve de l’assimilation - De la Grèce antique à nos jours

Histoire

 

Adepte de la clarté classique, Raphaël Doan commence par une définition des termes : « assimiler, c’est rendre semblable à soi, dit Littré ». Ou bien, « à Rome, fais comme les Romains ».

Que dit-il ?

Adepte de la clarté classique, Raphaël Doan commence par une définition des termes : « assimiler, c’est rendre semblable à soi, dit Littré ». Ou bien, « à Rome, fais comme les Romains ». Pour préciser les choses, il indique ce que l’assimilation n’est pas : l’intégration, qui « suppose seulement de donner une place à autrui dans la société sans lui faire adopter intégralement le mode de vie majoritaire », ou l’acculturation, qui « peut être définie comme un phénomène spontané de transformation culturelle, par exemple celle des peuples qui rêvent de l’American way of life sans avoir jamais rencontrés d’Américains ». Il en vient ainsi à préciser le sens du mot assimilation : « les pratiques culturelles, politiques et juridiques issues d’une volonté de changer les mœurs d’une population pour transformer des étrangers en semblables ». Ainsi, il est fortement question dans ce livre, et c’est désormais tout à fait original, des mœurs, Doan rappelant l’important ouvrage de Voltaire, «Essai sur les mœurs et l’esprit des nations ». Face à l’économisme et au juridisme ambiants, cette notion de mœurs est aussi décisive que décriée, au point que l’on nomme désormais la chose sous le terme de laïcité. Pour Doan, cette volonté d’assimilation est une forme d’universalisme : il a d’ailleurs échangé dans les colonnes du Figaro avec Jean-Luc Mélenchon, pour défendre l’assimilation face à la « créolisation » prônée par ce dernier. Pour approfondir la notion d’assimilation, le livre propose de l’envisager dans six civilisations, dont deux à l’époque antique : La Grèce, Rome, le Japon, les États-Unis, le monde arabe et enfin la France. Pour celle-ci, Doan distingue deux situations où règnent des systèmes différents et en matière d’assimilation presque opposés : la France des colonies, la France métropolitaine. On apprend énormément, et chaque exemple historique est lourd d’enseignements. Qui connaît ainsi les efforts de l’Ancien régime pour » franciser » le Québec, c’est-à-dire pour constituer « un même peuple et un même sang » avec les colons français et les Amérindiens ? Projet radicalement opposé à ce que firent les États-Unis vis-à-vis des autochtones, comme l’on imagine. Ses efforts assimilateurs ne furent guère couronnés de succès, sans doute parce que la présence française fut trop superficielle et les gains de la démarche pour les Amérindiens assez faibles. L’important est que l’on reçoit ici une étonnante leçon d’histoire, et que celle-ci nous fait réfléchir sur les enjeux présents. De même, il montre les errements de la politique française en Algérie sur ce sujet de l’assimilation, parfois souhaitée, souvent redoutée. Quant à la France métropolitaine, Doan évoque la période de gloire de l’assimilation mais aussi son déclin, sous l’effet de l’immigration de masse mais aussi, et peut-être surtout, en raison des changements des mentalités et des objectifs de l’État. Reste que pour Doan l’heure est plus que jamais à réhabiliter le terme d’assimilation dans le discours politique. Pour lui, l’invocation incessante de la laïcité, des valeurs de la République et de l’identité nationale introduisent de la confusion dans le débat. Il démontre, à travers ce voyage dans le temps et l’espace que constitue son « Rêve de l’assimilation », que se pose la question des mœurs, ou ssi l’on préfère de l’homogénéisation culturelle, gage d’unité et d’ambition partagée.

Qui l’écrit ?

Raphaël Doan a suivi un brillant cursus honorum : l’École Normale Supérieure, l’ENA, l’agrégation de lettres classiques. Magistrat, il est maire-adjoint du Pecq (78). Il a publié à 26 ans Quand Rome inventait le populisme (2019) et récemment l’uchronie Si Rome n’avait pas chuté (2023).

Pourquoi le lire ?

Comme toujours avec cet auteur, dans toute sa production de livres, d’articles ou de posts sur son blog, la plus fine érudition s’accompagne d’une grande simplicité d’expression. Le plaisir de lecture est donc vif. La méthode suivie mettant en relation des périodes et des sociétés très différentes, introduit paradoxalement de la clarté sur le concept d’assimilation. Ainsi, ce livre est un outil à la fois d’appropriation du sens de l’assimilation et d’argumentation face à ses adversaires de tous bords.