La proclamation de la République à l’Hôtel-de-Ville de Paris, le 24 février 1848 ouvre une période politique brève, puisque le Second Empire est instauré quatre ans plus tard, mais exceptionnelle par la densité des événements.
Tout commence par une révolution qui met à bas la monarchie, celle relativement libérale de Louis-Philippe et de son fidèle minstre François Guizot. Tout finit par un coup d’État, celui de Louis Bonaparte le 2 décembre 1852, qui fait de nombreuses victimes. Entre-temps : une esquisse d’État social avec les Ateliers nationaux, une insurrection populaire en février 1848 dans l’Est parisien avec des milliers de victimes, une élection présidentielle pour la première fois au suffrage universel direct (masculin) en décembre 1848, un conflit de pouvoir entre l’Assemblée nationale et le président, Louis-Napoléon Bonaparte. L’historienne Marie-Hélène Baylac relate cet épisode de notre histoire au plus près des événements et de ses personnages, ce qui rend la lecture particulièrement agréable, sans perdre de vue que derrière les péripéties se posent des problèmes qui vont structurer durablement la vie politique française. Comment concilier les aspirations de Paris et de la province ? Comment surmonter les différences d’intérêts entre les catégories sociales dans une société que le capitalisme industriel met en mouvement comme rarement auparavant ? Quel mode de scrutin est le plus capable de concilier représentation et stabilité ? Tous ces enjeux se concentre sur une question centrale, celle de l’intégration du peuple dans les institutions politiques, à commencer par le vote. Il faudra encore des décennies, et les événements tragiques de 1870-71 pour que la France trouve sa forme politique en la République. Les contemporains avaient conscience de la profondeur des problèmes auxquels le pays était confronté. Ainsi l’ouvrage contient de nombreuses citations d’écrivains – George Sand, Gustave Flaubert, Victor Hugo notamment -, de théoriciens socialistes – tels Proudhon, Marx ou Auguste Comte -, et bien sûr d’acteurs politiques, eux-mêmes souvent brillants intellectuels – Adolphe Thiers ou Alexis de Tocqueville. Des décennies plus tard, en 1967, Raymond Aron consacrera à l’épisode un chapitre entier de sa somme, « Les Étapes de la pensée sociologique ». Par son récit historique très détaillé, Marie-Hélène Baylac met clairement en perspective les développements théoriques suscités par les événements.
Marie-Hélène Baylac, normalienne, est agrégée d’histoire.
Ce qui s’est passé en France entre 1848 et 1852 a érigé cette courte période en une sorte de laboratoire politique qui n’a cessé d’inspirer les débats idéologiques durant plus d’un siècle – ainsi de la défiance à l’égard du pouvoir exécutif que le général de Gaulle a finalement levé en restaurant en 1962 l’élection du président de la République directement par le peuple. Les problèmes posés alors ne se laisse pas réduire à une lecture de gauche ou de droite, et peuvent encore, et l’on peut encore, malgré ou peut-être grâce à l’ampleur des changements survenus depuis, nourrir sa réflexion en considérant, grâce à cet ouvrage, les problèmes concrets rencontrés par les acteurs politiques du temps.